Momar est moniteur de voile. Il est issu d’une grande famille sénégalaise de pêcheurs. Il m’a appris les rudiments de la navigation quelques jours plus tôt. Je le croise chaque jour de mes vacances. Momar, c’est la gentillesse incarnée. Aujourd’hui je fais des photos du littoral et je lui rends visite à nouveau. Je reconnais de loin sa fine silhouette alors que je m’approche de lui les pieds brassant le sable à chacun de mes pas. Il se tient au même endroit, scrutant invariablement l’horizon, le vent, les courants, les méduses, les vagues, la mer au travers de ses lunettes noires, du haut de ses vingt ans et surtout de ses deux mètres de haut. Il sait bien déjà que la mer n’est pas propice à la sortie aujourd’hui. Pendant que nous discutons je me trouve dos à la mer et j’aperçois subrepticement du coin de l’oeil le vendeur de plage qui arpente le sable dans notre direction dans une démarche alerte et sinusoïdale. Momar ne l’a pas encore vu car entretemps’il s’est assis et je suis entre eux deux. Mais il me voit glisser la main dans ma poche et comprend en un instant que je vais en sortir mon téléphone. Ceci suscite sa curiosité et il cherche du regard ce qui a pu attirer mon attention. Ses yeux captent cette étrange créature mi-homme mi-bouées sur la plage déserte et, toujours dans le même instant, il me lance avec son doux accent sénégalais accompagné d’un lent hochement de tête approbateur « hooooo oui, y a une belle photo à faire là ». Je me retourne, je cadre et capture cette image. Je la dédie à mon ami Momar.